Grâce à la participation de la Société d’Etudes Scientifiques de l’Aude (SESA), nous vous proposons deux bulletins.

Celui du 12 mai 1889, il s’agit là de la première excursion de la SESA qui décrit notre territoire sur les plans géologique, botanique et faunistique.

Vous pouvez visionner le rapport de 1889 en faisant défiler le PDF ci-dessus…

Voilà le second bulletin, extrait du rapport sur l’excursion de la SESA du 6 avril 1924. Le voici retranscrit.

Extrait du rapport sur l’excursion de la Société d’études scientifiques de l’Aude, du 6 avril 1924

par M. ROQUES, SAINCLAIR et Germain SICARD.

AVANT-PROPOS

Remerciements bien mérités à notre guide et hôte généreux, qui a su si bien diriger jusqu’ici notre course et nous faire voir et apprécier les points les plus intéressants de la région que nous venons de parcourir, et cela avec le minimum d’efforts. En quelques termes choisis, M. Barbaza répond à l’allocution de M. Poux, et nous fait ses adieux, car il va nous quitter et nous laisse le garde de ses propriétés pour nous amener à travers la forêt de Barbaïra jusqu’aux ruines du château d’Alaric ou de Miramont, où sous l’égide de nouveaux guides, notables habitants de Floure, nous terminerons notre excursion.

Après avoir repris nos sacs vides, nous nous acheminons, précédés du garde, sur la pente déclive qui nous amène dans la forêt de Barbaïra. L’orage s’est éloigné, en grondant, vers les montagnes de l’Hérault, nous laissant jouir pour terminer notre course, d’une agréable fraîcheur.

Suspendues sur nos têtes, quelques gouttes scintillantes viennent encore tomber sur nous.

Dans cette voie de la forêt, nous avançons dans une pénombre mystérieuse, nos regards bornés partout par les massifs de verdure ; sous l’influence de l’orage récent, les plantes aromatiques émettent sur notre passage leurs pénétrants et délicieux parfums, dans le sentier que nous foulons, les aiguilles des pins nous font un doux tapis. Les branches des grands arbres, encore toutes penchées, semblent vouloir se soumettre à la tempête et de leurs tiges élevées tombent encore quelques larmes : larmes de gratitude et de reconnaissance, pour leurs racines altérées.

La forêt de Barbaïra a été surtout reboisée avec des pins d’Autriche, mais cependant nous constatons dans notre parcours que nous nous trouvons au milieu d’essences les plus diverses.

Au sortir de la forêt, nous sommes en face d’un ravin, au delà duquel nous apercevons les ruines massives du château d’Alaric ou de Miramont. Ces ruines, comme toutes les ruines, toutes vouées à l’abandon, sont entourées de végétations parasites de toute sorte, surmontées çà et là de quelque boqueteau de » chênes verts, formant encadrement autour des murailles déchiquetées.

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Au milieu de cette sombre verdure, nous voyons surgir un groupe, sortant de la porte du château. Ce groupe Vient vers nous. Est-ce aussi une excursion venant de visiter la vieille forteresse? Mais bientôt nous prenons contact et sommes tout heureux de nous trouver en présence de nouveaux guidés, délé’ gués vers nous par M, Barbaza, et à la tête desquels se trouve M. Alfred Dûchan de Floure. Avec eux nous pénétrons dans l’intérieur des ruines de ce château moyenâgeux, que la tradition dit avoir été construit par Alaric II, roi des Wisigoths.

Mais rien dans ces constructions massives, ne nous-rappelle une origine wisigothe, nous n’y trouvons, ni le petit appareil, ni le cordon dé briques, signes distinctifs de l’architecture de cette époque, si remarquables à la cité de Cârcâssonne.Nous ne trouvons ici que de massives murailles, des amorces d’épaisses voûtes en berceau, séparant les rez-de-chaussée des étages Supérieurs de jadis, deux salles existent encore ainsi, tout le haut ayant été démoli.

Du côté de Barbaïra, sur la pente du mamelon, qui porte les ruines, on voit des amoncellements de pierre formant des lignes brisées, et qui doivent être les vestiges des défenses avancées de la forteresse. Il est possible que ce château, datant certainement de l’époque féodale, ait été construit sur les bases du château d’Alaric; car là position était très bien choisie pour l’emplacement d’une forteresse entre Narbonne et Carcassonne.

C’est sur un mamelon arrondi, premier contrefort septentrional du mont Alaric, que se dressent encore imposantes les ruines du vieux castellar.

Toute la plaine de l’Aude, et les ; ondulations de la région minervoise s’étalent à ses pieds, comme les vertes pelouses d’un immense parc.

Aujourd’hui, grâce à la vigoureuse végétation des vignes, ce n’est qu’un vaste tapis verdoyant. Tout près, à quelques centaines de mètres de l’origine du massif dé l’Alaric, l’Aude serpente languissamment, semblant un ruban bleu jeté négligemment sur une robe couleur- d’émeraude : En face de nous les blanches maisons de Marseillette se mirent dans ses eaux : plus loin, de

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nombreux villages étalent leurs toits rouges et leurs constructions aux nuances variées, comme de nombreux îlots, dans une mer de verdure.

Au premier plan, la Montagne noire sert de repoussoir à toutes ces teintes claires, et s’élève comme un sombre rempart bornant l’horizon.

En somme, nous ne savons guère rien de certain sur l’origine de ce château, mais ce que nous savons parfaitement, c’est l’époque- de sa destruction par Simon de Montfort ,dont nous trouvons le récit dans la chronique de Pierre de Vaux Côrnay, sur la croisade albigeoise :voici ce que cet auteur nous dit :

« Aux environs de Pâques, le comte et les siens vinrent pour assiéger un certain château (castrum) situé entre Carcassonne et Narbonne et qu’on nomme Alaric. Ce château est situé dans la montagne et entouré de rochers. Avec grandes difficultés et contrariés par les intempéries, les assiégeants se rendirent maîtres de la place en moins de onze jours. Beaucoup de ceux qui étaient dans le château s’enfuirent pendant la nuit. Ceux qui ne purent fuir, furent tués de nos mains dans le fort. De là les nôtres se rendirent à Carcassonne et peu de temps après allèrent assiéger le château de Pamiers. » (1)

Ceci se passait en 1210.

Nous quittons ces puissantes ruines par un sentier qui nous conduit en face d’une profonde dépression de terrain, au fond de laquelle nous apercevons les bâtisses du domaine des Paillasses. Celui-ci semble un îlot de verdure, au milieu de la sauvage contrée qui l’environne.

Nous y parvenons en suivant la voie tortueuse et déclive que nous sommes forcés de prendre, aussi notre groupe s’échelonne sur la pente et ce n’est qu’au bout d’un moment que nous sommes tous réunis en face des Paillasses.

Une courte halte est ici nécessaire, et près de nous, une fraîche source dans un doux murmure, nous invite à rafraîchir nos lèvres dans ses limpides eaux; mais il nous reste encore des munitions, réserves de celles de St-Jean, et quelques bruyan(1)

Mahul, t. I, page 300.

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tes détonations, suivies d’un épanchement mousseux, ont plus de succès que les douces invitations de la timide nymphe.

Les propriétaires des Paillasses, qui nous font le plus aimable accueil, nous demandent des détails sur notre course et ce que nous y avons remarqué d’intéressant. Ils nous signalent aussi l’existence d’un dolmen, situé au tènement dit de Ste-Colombe, sur le plateau qui les domine et non loin des bénitiers. Sur ce même plateau au lieu dit le Laouret, notre regretté collègue, M. Rebelle, dans le compte-rendu de l’excursion de la Société à l’Alaric, le 28 juin 1891, signale un amoncellement de rochers brisés, parmi lesquels se rencontrent nombre de fragments, d’antiques poteries et des silex taillés. (1) Voici donc encore un nouveau but d’excursion pour nos confrères préhistoriens.

La crête qui supporte les bénitiers se trouve à l’ouest de la montagne et regarde le nord, elle est bien au-dessus des Paillasses.

Mais puisque nous avons déjà mentionné plusieurs fois le nom des bénitiers, disons ce que l’on entend par ce mot. Les bénitiers-sont de gros blocs de calcaire, restes isolés, sans doute d’une ancienne crête supérieure à celle actuelle et qui par suite de phénomènes d’érosion, ont vu leur base s’amincir, leur angle s’arrondir, de manière à présenter la forme d’un gigantesque verre à pied, où d’une ancienne cuve baptismale. Quelques unes de ces formations bizarres, nous a-t-on dit, ont été renversées récemment par des visiteurs dignes du nom de vandales. La crête qui se trouve au-dessous des bénitiers, présente sur sa surface de nombreuses fissures verticales, dont la plupart sont plus larges vers le bas qu’au sommet : et toujours cela en vertu du phénomène d’érosion, qui fait que celle-ci entame plus fortement les parties inférieures que les parties hautes ; les acides atmosphériques, mis en action par l’évaporation, agissant plus activement alors qu’elle devient plus intense, en abandonnant progressivement son humidité. Plus tard, bien plus tard sans doute, de nouveaux bénitiers orneront la paroi verticale de cette crête.

(1) Bull, de la Soc. d’ét, se. de l’Aude, t. III, 1892, page 9T.

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Un sentier abrupt conduit en ces lieux escarpés, mais seuls quelques-uns d’entre nous, entreprennent cette ascension supplémentaire, la majorité prend le chemin qui ramène vers Floùrè. Le sentier que npus suivons côtoyé à notre droite un profond ravin, rempli d’énormes blocs de rochers, entassés les mis sur les autres, et laissant entre eux de vastes cavités, cachées par une abondante végétation, tout cela forme un véritable chaos. Cet endroit est désigné sous le nom de la Loubatière et tire son appellation de ce qu’il servait de repaire aux loups à l’époque où il y en avait encore.

Le sentier se déroule à flanc de coteau, et nous amène bientôt jusqu’au cours de la Bretonne, presque à sec, que nous traversons, sur un polit de bois, à la rampe branlante et aux planches disloquées. En face de nous se trouve la route de Monze à Floure, et sur celle-ci l’autobus qui nous attend.

Nous y montons tous pour gagner Floure qui est tout proche. Nous y sommes vite rendus, et faisons halte chez M. Alfred Duchan, qui tient absolument à nous offrir des rafraîchissements, nous trinquons donc tous joyeusement, en nous félicitant de la belle réussite de l’excursion. M. le Président dans un charmant à-propos remercie M. .Duchan, qui a si bien dirigé la dernière étape de notre course, et aux applaudissements de tous, le proclame membre de notre Société. Sur ce nous serrons chaleureusement les mains de notre nouveau confrère, et remontant dans notre autobus, reprenons le chemin de Carcassonne.

Rivière, 4 août 1924 G. SICARD.